Des prix agricoles vraiment trop bas ?
"Seule une rémunération décente des agriculteurs permettra d'encourager la nécessaire croissance de la production."
Les prix agricoles ont besoin d'être réajustés: nous devons rémunérer correctement les producteurs au risque de ne plus pouvoir manger. |
C'est Nick Cullather qui le dit. Spécialiste en politique étrangère, cet historien est enseignant à l'université d'Indiana.
Nick Cullather est l'auteur de "The Hungry World: America's Cold War Battle Against Poverty in Asia" (Le monde affamé: la guerre froide des Etats-Unis contre la pauvreté en Asie) sorti en décembre 2010
Nick Cullather clame haut et fort ce qu'une minorité ose à peine chuchoter et que la majorité se refuse à admette: Il est vital de rémunérer correctement les agriculteurs.
"Depuis les années 50, le sous-investissement dans l'agriculture est considéré comme une caractéristique normale d'une économie saine et prospère. Une bonne politique agricole est celle qui permet aux citadins de se nourrir à bon marché, quelles qu'en soient les conséquences pour les producteurs."
C'est même W. Arthur Lewis, prix nobel d'éconmie, qui affirme en 1952 que "le rôle d monde rural est de servir de réservoir de main d'oeuvre bon marché aux villes". Comme quoi cela ne date pas d'hier.
"Une enquête récente montre que la moitié des paysans indiens veulent cesser leur activité [de producteur]. Beaucoup on déjà quitté le secteur perdant pour se faire une place dans le secteur gagnant. Désormais, comme les tunisiens qui sont descendus dans la rue, ils réclament qu'on leur donne de la nourriture au lieu de la produire."
La contradiction de notre société est surprenante, voire alarmante: ce sont les activités tertiaires qui rémunèrent le plus. Les activités primaires, de base, essentielles à la survie de l'espèce humaine (= produire pour se nourrir) sont mal rémunérées, et pire, mal considérées, voire méprisées.
Le consommateur a été poussé un peu à son insu à vouloir acheter sa nourriture le moins cher possible et dépenser plus dans les loisirs (voyages, technologies de pointe, vêtements de marque...)
Aujourd'hui, très peu de gens sont capables d'accepter de payer plus cher leur nourriture et de se restreindre un peu plus dans ses loisirs: nous sommes au summum de la surconsommation.
Pourtant, si l'on veut éviter une crise grave, la perte de nos maraîchers, la pollution de la terre, l'augmentation de l'agriculture industrielle... Si l'on veut arrêter de manger des aliments transformés sans goût ni nutriment, de tomber sans cesse malade, d'être moins résistant... Il va falloir changer.
Il est temps que le consommateur accepte de payer les vrais prix agricoles et rémunèrent correctement le producteur, au risque de multiplier les crises alimentaires graves.