Les maraîchers colonisent les villes

Associer protection de l'environnement, productivité et nouvelles technologies est aujourd'hui un challenge que de nombreux jeunes diplômés ont en tête. De plus en plus de surfaces agricoles disparaissent, les petites productions ont du mal à survivre et l'agriculture intensive polluante semble nous envahir.

Rivaliser d'originalité, composer avec le manque d'espace -notamment en ville-, réduire les coûts de production, profiter des technologies nouvelles qui ne cessent de se développer, trouver des solutions alternatives au travail harrasant et mal payé de la terre, proposer des produits sains en toute saison, limiter la distance en privilégiant le direct... Un parcours du combattant qui se met peu à peu en place dans les villes avec de nouvelles idées.

Les jeunes entreprises sont pleines d'ambition et rêvent d'un monde meilleur. Voici ci-dessous les nouvelles idées de jeunes entreprises, l'une qui créé des conteneurs transformés en serre high-tech, une autre qui développe un système de convoyage sur tapis roulant, ou encore l'avancée des potagers sur les toits de Paris... (Article dans son entier ici, recopié ci-dessous).

Qu'en pensez-vous ? Quelles sont vos idées ?

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Sur les toits, dans les serres, sur les murs, en circuit fermé, les cultures de demain seront aussi urbaines.

Manger des fraises en plein hiver à Paris, cueillies le jour même. C'est le pari audacieux de deux fils d'agriculteurs diplômés de la même école de commerce qui voulaient retrouver le bon goût des fruits et légumes de leur enfance. Leur concept ? Produire dans des conteneurs de 32m2 transformés en serre high-tech. A l'intérieur, des lampes LED diffusent une lumière rose sur 3 600 plants, une légère bruine humidifie les feuilles tandis qu'un goutte-à-goutte enrichi en nutriments alimente les fraisiers et des bourdons assurent la pollinisation des fleurs. La température est maintenue entre 18°C et 24°C ; l'humidité, contrôlée ; l'air extérieur, filtré. Des conditions optimales, revendique le cofondateur d'Agricool, Guillaume Fourdinier, qui permettent une meilleure productivité (120 fois supérieure à celle d'un champ) et une consommation d'eau dix fois moindre. L'environnement est préservé, car il n'y a pas de transport, aucun usage de pesticide et le recours à l'énergie renouvelable. "L'agriculture est responsable de 20% de l'empreinte carbone", dénonce le jeune entrepreneur, rappelant que les fruits et légumes voyagent en moyenne 1 500 kilomètres.

Cette distance ne va cesser de grandir en raison de l'urbanisation croissante. D'ici à 2050, la planète compte 80% de citadins. "Chaque année, 70 000 hectares de terres agricoles disparaissent en France, soit 7 fois la surface de Paris ! (soit 0,2% de la surface agricole totale)", s'alarme Guillaume Fourdinier. Il n'y a pas le choix, il faut trouver d'autres solutions que l'agriculture intensive qui appauvrit les sols, et produire au plus près des consommateurs.

Agricool a choisi de petites unités pour s'insérer dans le tissu urbain dense. Le premier prototype a passé plusieurs mois dans le parc de Bercy. "Nous sortions des fraises tous les jours, mais ce n'est pas assez productif ; nous devons optimiser la technologie", reconnait Guillaume Fourdinier. Pour cela, Agricool a recruté des ingénieurs agronomes et biologistes. L'objectif est de déployer des centaines d'unités l'an prochain, à raison de 7 tonnes de fraises produits par an par conteneur, et de se diversifier dans les tomates et les salades. Le modèle économique reposera sur un réseau de "coolcultivateurs". A charge pour ces agriculteurs en herbe de financer trois conteneurs, de planter, récolter et distribuer. "Nous créons un nouveau métier, le maraicher des villes, qui bénéficiera du soutien technique d'Agricool et du suivi numérique, en continu", explique Guillaume Fourdinier.

 

A l'opposé des conteneurs d'Agricool, de grandes fermes urbaines commencent à voir le jour à l'étranger, en Asie ou aux Etats-Unis. En privilégiant la culture "indoor" pour s'affranchir des aléas climatiques. Sur ce terrain, la France est à la traine, la plupart des projets n'en sont qu'aux esquisses architecturales. Une première ferme verticale devrait toutefois voir le jour en 2018 à Romainville (Seine-Saint-Denis) sur six niveaux, avec champignonnière et laboratoire de germination au sous-sol.

 

Salades sur tapis roulant

Autre initiative, à Lyon, la société FUL (Ferme Urbaine Lyonnaise) développe une solution d'ingénierie verticale pour "produire plus proche, plus sain, plus frais", avance le directeur général Christophe Lachambre. Là encore, le choix porte sur la culture hors sol avec LED et hydroponie. Sa spécificité, ajoute-t-il, est un "système de convoyage sur tapis roulant". Les salades démarrent leur pousse en lumière artificielle puis sous serre en partie haute pour profiter des UV naturels. "Il y a très peu d'interactions humaines, donc très peu de risque de contamination", complète le dirigeant. "L'avantage est de pouvoir réintroduire de nouvelles variétés".

Le hic ne vient-il pas des prix souvent élevés du foncier urbain qui vont peser sur la rentabilité ? "N'importe quelle surface peut être utilisée, parking, sous-sol, et même des sols pollués. C'est une énorme opportunité pour les villes !" argue-t-il.

 

Aussi technologiques soient-elles, ces solutions de culture fermée ne font pas l'unanimité. "Ils n'interagissent pas avec l'environnement et consomment beaucoup d'énergie", critique Yohan Hubert. Ce défenseur de l'écologie, amoureux des plantes, a créé depuis quatre ans Paris sous les fraises. Sa mission, investir les territoires résiduels, terrasses, toits, murs… pour végétaliser et cultiver. Comme sur les toits des Galeries Lagayette où Yohan Hubert propose une véritable balade gustative: menthe, thym, baies de goji, basilic, kale, sauge ananas, criste-marine… Mais aussi fraises et framboises et toutes sortes de fleurs comestibles. Il souffle comme un air de campagne où voltigent coccinelles et bourdons. C'est tout un écosystème qui est reproduit sur des structures verticales légères, à base de chanvre et de laine de mouton. "Nous travaillons sur la biodiversité, nous valorisons les déchets bio des Galeries Lafayette qui sont transformés en jus nutritifs pour les plantes", explique-t-il.

Certes, mais ces jolis végétaux qui poussent à l'air pollué de la ville sont-ils vraiment sains ? "Nous avons fait plusieurs études, il y a zéro polluant. Les métaux lourds restent au sol et les plantes ne stockent pas les particules fines". Des sites comme celui-ci, Yohan Hubert en a identifié près de 20 000 dans la région, de quoi nourrir près de 900 000 personnes.

 

La ville de Paris encourage ces projets avec un objectif affiché de 100 hectares végétalisés en 2020, dont un tiers en agriculture, sans viser l'autosuffisance alimentaire. Cela permet de créer du lien social, et contribue à la protection de l'environnement, à la rétention des eaux pluviales, au recyclage des déchets", insiste l'adjointe au maire, Pénélope Komitès, chargée des espaces verts et de la biodiversité. A l'image de Nadine Lahoud et de son association, Veni Verdi, qui créé des potagers dans les écoles et collèges des quartiers défavorisés. Le lien social, c'est aussi une des motivations de Toit tout vert, lancé par Philippe Le Borgne et Eric Virvaux. Dans quelques mois, ils installeront une première serre de 1 500 m2 dans le XXIIème arrondissement, visant 70 tonnes chaque année "de produits à très forte valeur ajoutée, difficilement transportables et vendus en direct", en tricycle électrique." L'objectif est de fournir un panier varié, de saison, à prix très compétitif, complété par les maraichers de la région", explique Philippe Le Borgne. Les légumes pousseront sur un substrat biologique en fibre de coco, transformé en compost avec des vers de terre. Toit tout vert valorisera aussi ses résidus de culture avec des champignons.

 

Voici donc à quoi pourrait ressembler le Paris agricole en 2050 : des fermes verticales en banlieue, les conteneurs de Guillaume Fourdinier le long du périphérique, plusieurs serres de Philippe Le Borgne en toiture et de multiples potagers disséminés dans toute la ville.

 

Voir la source, Le Figaro.