Conférence Jean Yves Fromonot à Tapovan 1 juin 2013
Maraîchage Ethique - JeanYves Fromonot – Samedi 1er juin 2013 – Tapovan
Un jour, un extraterrestre arrive sur la Terre. Il est content de découvrir cette planète dont on lui parle depuis qu'il est petit. Il se balade et découvre les activités des humains, leurs passions, leurs métiers, leur mode de vie sociale, etc.
A son retour, parmi toutes ses découvertes, il raconte aux autres ce qui l'a le plus étonné : les personnes les plus utiles à la société sont les moins bien payées : maraîchers,cuisiniers, artisans, instituteurs, infirmiers...
Et ceux qui gagnent le plus, font des métiers incompréhensibles aux extraterrestres et terriens eux-mêmes : trader par exemple.
Cette histoire montre le problème de notre société. Le premier besoin de l'homme est de se nourrir, par conséquent, ceux qui produisent de la nourriture exercent le métier le plus important. Cependant, les maraîchers gagnent mal leur vie.
Pourquoi les maraîchers gagnent-ils mal leur vie ?
Le consommateur a été habitué à acheter pas cher.
Les sondages à la sortie du supermarché, les interviews à la télé le démontrent bien. Quand vous interrogez les clients sur certains achats: " En avez-vous besoin ? Pourquoi avez-vous acheté cela ?", certains répondent : "je n'en ai pas vraiment besoin, je l'ai acheté parce que ce n'est pas cher !"
Sauf que ce qui n'est pas cher est souvent de mauvaise qualité et ne va pas durer longtemps.
Il existe des nombreux d'exemples à ce sujet, Avez vous déjà acheté un outil. Au supermarché, on en trouve à tous les prix. On préfère acheter le moins cher, on outil qui ne durera pas (et qui peut-être fonctionnera moins bien) et en racheter un autre un an après car il sera cassé. Finalement, on paie autant, voire plus (s'il faut racheter l'outil tous les ans !) au lieu d'une seule fois... pour la vie !
Pour la nourriture, c'est pareil, nous préférons acheter de la basse qualité, payer le moins cher possible... sans prendre en compte le fait que le maraîcher gagne mal sa vie ; il a de plus les risques de perdre une partie ou toute sa production a cause des aléas climatiques ; il travaille environ 50 heures par semaine. N'oublions pas non plus que la nourriture pas chère est souvent de basse qualité elle nous nourrit moins bien et n'est pas bonne pour la santé - ni pour la terre.
Les agriculteurs aujourd'hui n'ont plus de réserve d'argent et s'endettent. Les aides de l'Etat vont aux gros, pas aux petits. Ainsi, plus personne ne veut devenir maraîcher ; c'est un métier en voie de disparition.
Y'a-t-il une solution ?
Le maraîchage éthique est un moyen de faire face à la pénurie de maraîchers.
Il faut cesser de penser : « Comment payer mes légumes le moins cher possible ? » Et se dire : « Combien je dois payer mes légumes pour que mon maraîcher gagne correctement sa vie ? »
"Et les gens qui n'ont pas d'argent ? Ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois ?" . Ce n'est pas à l'agriculteur de financer la solidarité. C'est à l'ensemble des citoyens d'aider les pauvres à se nourrir correctement.
Il ne faut pas croire que les gens avec des revenus corrects protègent leur santé. Ils sont nombreux à manger de la nourriture de très basse qualité. Pourquoi ? Le problème est culturel : Les riches subissent le même "formatage" que les moyens et les pauvres : ce que l'on met dans notre corps doit être payé le moins chers possible. Que pensez vous de personnes qui font plus attention à l'huile qu'ils mettent dans leur voiture qu'à celle qu'ils mettent dans leur ventre.
Pourtant, le luxe marche : on vend des articles très chers alors que le coût de production n'est pas forcément élevé. On achète cher pour l'image. Faut-il attendre que toute la nourriture soit une denrée rare ou considérée comme un produit de luxe pour rémunérer correctement ceux qui nous nourrissent ?
En achetant pas cher, les consommateurs se font arnaquer, même ceux qui ont de l'argent, car ils doivent acheter plusieurs fois le même produit qui ne dure pas, qui ne nourrit pas.
Qu'est-ce qu'une vraie AMAP ?
Quand on parle de maraîchage bio, on pense souvent aux Amaps. Ces réseaux de fournitures de paniers bio hebdomadaires : le consommateur paie d'avance un maraîcher et reçoit un panier hebdomadaire de légumes et fruits.
Le principe originel des Amaps est le partage des récoltes, d'être solidaire du producteur, de favoriser la production locale et de saison. Néanmoins, certaines d'Amaps ne sont pas éthiques, ce sont des associations de consommateurs qui cherchent qualité et bas prix sans participer aux risques du producteur.
Une Amap vraiment éthique est celle qui se dit : Nous allons produire ensemble ou soutenir un maraîcher. Que faut il pour produire des légumes ? Un terrain, des machines, des semences, des outils, un fond de réserve, etc. et aussi quelle rémunération donnons nous à celui qui produit, ... Cela donne une somme globale que l'on divise par le nombre d'adhérents à l'Amap. Quand récolte est faite, on la partage entre tous, qu'il y en ait beaucoup ou non. Voir le calcul du coût du panier éthique.
Le plus difficile est de se dire :
je dois payer mes légumes plus chers afin que celui qui me fournit gagne correctement sa vie. Et pourquoi pas autant que moi ?
Depuis la fin de la guerre, on a mis dans la tête de toute la population mondiale qu'il ne faut pas payer cher sa nourriture. La solution de facilité pour les intermédiaires est donc de forcer le fournisseur à baisser ses prix. Avec ce système on détruit notre agriculture, puis notre industrie (délocalisation). On exploite les travailleurs des pays pauvres et l'on créé du chômage dans notre propre pays, sans compter la destruction de la nature à laquelle on ne paye pas non plus le vrai prix de ce qu'elle nous donne gratuitement. On ne lui laisse même pas le temps de se renouveler. Nous sommes de très mauvais prédateurs ; un bon prédateur laisse toujours à celui qu'il vole de quoi se refaire pour le voler à nouveau.
Les intermédiaires profitent du risque climatique
Cette année 2013, le mauvais temps fait que les maraîchers ont moins de légumes. Donc les prix montent. Les distributeurs importent de l'étranger au prix bas habituel et vendent chers car les denrées sont rares. L'argent va aux distributeurs, les maraîchers n'ont rien. Et les consommateurs paient plus cher leurs légumes.
On peut manger sainement et à sa faim à prix correct
Il est faux de penser que l'on ne peut pas manger sainement (bio et/ou fermier) avec des légumes tous les jours, même si l'on a peu de moyens. Tout est une question d'habitudes alimentaires. Il suffit de manger moins et autrement. D'ailleurs, peut-être y a t'il plus de gens qui meurent de trop manger que de ne pas manger du tout. Seulement cela ne se voit pas, on ne fait pas encore fait le lien entre ce que nous mangeons et nos maladies.
Exemple : à Toulouse, en plein centre ville se trouve un restaurant bio. Pour moins de 10 €, on remplit son assiette à volonté (entrée & plat ou plat & dessert). Essayez, vous verrez qu'avec un seul repas de qualité par jour, c'est amplement suffisant pour vivre et être en excellente santé.
Un drôle de système tout de même...
Fini les productions locales ? Fini le travail sur le terrain? Fini le travail réel ? Fini la production directe entre le producteur et le consommateur ?
Pour payer le moins cher possible, on se trouve dans des situations totalement irréelles. C'est le cas par exemple du "négociant en viande", un métier que l'on a créé pour négocier le prix de la viande, sans aucun contact avec le producteur, la terre, ni rien. Il s'agit, dans un bureau, d'acheter au téléphone le moins cher pour le revendre ailleurs le plus cher possible. Le négociant reçoit alors une grosse marge sans jamais voir le produit.
Connaissez-vous l'histoire vraie des deux camions qui se sont rentrés dedans ? L'un venait d'Espagne et allait en Hollande, l'autre venait de Hollande pour l'Espagne. Tous les deux transportaient... des tomates !
On n'achète plus en fonction des besoins, mais quand c'est le moins cher. Toutes les grandes surfaces fonctionnent ainsi. Il n'y a pas de suivi :
les acheteurs commerciaux cherchent dans le monde des stocks de produits pas cher, et vous les revendent pas cher en faisant une marge car ils les ont achetés encore moins chers quelque part dans le monde, sans savoir comment c'est produit. C'est du trading de marchandise . Le consommateur accepte tout et s'adapte pour payer moins cher. On parle de délocalisation à l'étranger ! Avez vous aussi remarqué la délocalisation chez le consommateur ? Par exemple :
- les achats par internet : on fait tout soi même à la place des vendeurs et des caissières.
- les caisses rapide des grandes surfaces : avez vous demandé une réduction ? Car vous faites le travail de la caissière sans que ce soit plus rapide.
Quelle est la cause n°1 du chômage ?
La cause n°1 du chômage est parce que ce n'est pas cher :
- on achète étranger parce que on peut y exploiter la main d'oeuvre - on force les rares entreprises et maraîchers français à faire moins cher en baissant la qualité et les forçant à s'endetter car avec des prix trop bas elle ne peuvent payer leurs frais de production (y compris main d'oeuvre française) et elles finissent par etre en redressement judiciaire car non viable, avant de disparaître.
La solution est évidente : consommer moins, mais de qualité. Pour notre porte monnaie, cela revient exactement au même. Pour l'environnement, c'est mieux : on jette moins.
Revendiquer le droit d'être différent
« Ai-je le droit de manger sans OGM ? »
Tout le monde répondra oui. Si on met au supermarché deux étals des mêmes produits avec un panneau "avec OGM" et l'autre "sans OGM" : quel produit choisissez-vous ? Sans OGM, probablement même si le produit est 1€ plus cher.
Un poissonnier à Toulouse avait fait l'expérience sur le marché : son poisson OGM ne partait pas ! Mais s'il enlevait le Panneau "Poisson OGM", les gens achetaient sans se poser de question. Il est nécessaire d'imposer la transparence pour pouvoir choisir en connaissance de cause.
« Ai-je le droit de manger bio ? »
Si au début de l'agriculture industrielle, on avait mis des panneaux « aliments avec produit chimique de synthèse » et « aliments sans produit chimique de synthèse », la majorité des consommateurs auraient choisi sans produit chimique de synthèse.
Ce n'est pas le produit chimique qui est en cause mais son abus à des fins de rentabilité de l'agriculture et/ou de l'industrie chimique. Prenez l'exemple du doliprane ou aspégic pour soulager un mal de tête ; vous en prenez une fois et c'est tout. Si l'on avait utilisé les produits chimiques qu'en cas de maladie, nous n'en serions pas la. En fait dans l'agriculture on utilise les produits chimique comme si vous preniez un aspégic tous les matin pour être sûr de ne pas avoir mal à la tête. Cela finit par vous encrasser et il vous en faut de plus en plus pour que cela fasse de l'effet. C'est pareil pour les produits chimiques de synthèse dans l'agriculture : nous sommes dans un système de prévention, a force d'en rajouter pour produire plus ou être sûr de produire malgré les aléas climatique et autres maladies des plantes, on détruit la terre et nos corps s'encrassent de chimie de synthèse.
Au final, c'est le consommateur qui a le pouvoir de changer les choses . D'acheter moins mais de qualité, de moins jeter, de se fournir localement et de saison, de payer le vrai prix des choses. Si nous décidons de payer le juste prix : il y a moins de chômage, plus de reconnaissance, moins de gâchis (alimentaire et autre), plus de respect de l'environnement, plus protection de la santé.
EthnoDéveloppeur, Jean-Yves Fromonot est cogérant de la société Formations Bio Sainte Marthe, dont le but est d'apprendre à vivre à la campagne.