"Retour a la terre": Compte-Rendu des Entretiens de Millançay
Entretiens de Millançay des 2, 3 et 4 octobre 2009 « Le retour à la terre »
Depuis près de 20 ans, les promoteurs d’une « autre » agriculture, moins chimique, plus naturelle et respectueuse de la terre, se réunissent à Millançay, au cœur de la grande Sologne dans une sorte de « congrès annuel » où ils échangent leurs expériences et où ils approfondissent le positionnement de leur démarche vis-à-vis des enjeux du développement durable et des problèmes de la société.
Entretiens de Millançay 2009, "le Retour à la Terre" |
Ces entretiens sont organisés autour d’un thème particulier, cette année, le thème est celui du « retour à la terre », d'agriculteurs qui passent d’une culture extensive et industrielle, à une culture intensive et « paysanne », ou bien de citadins, qui développent des « jardins urbains » ou à la périphérie des villes.
Pour les grandes entreprises dominées par la pensée « scientifique, technique, et quasiment minérale », les réflexions des tenants d’une approche biologique de la vie peuvent être d’un grand intérêt: bien que ces mondes soient très différents, on y retrouve les mêmes blocages, les mêmes difficultés pour innover, les mêmes résistances au changement; mais aussi on y trouve des approches différentes, une autre vison des choses qui peuvent aider à résoudre nos propres problèmes. On s’aperçoit surtout que ces deux mondes ont tout à gagner à mieux se connaître, car ils sont profondément complémentaires. C’est ce que je constate depuis trois ans que je participe à ces échanges.
Vous trouverez ci-après une relation partielle de ces « entretiens de Millançay 2009 », qui, comme chaque année sont très riches. Ils ont atteints une grande renommée, et réussissent à faire venir de grands scientifiques (des sciences du vivant et de la prospective, comme Thierry Gaudin), des élus locaux (députés, voire d’anciens ministres comme Corinne Lepage), des personnalités de la société civile, des écrivains, des cinéastes documentaristes... Et, bien sûr, des « acteurs de la terre », des « paysans authentiques », puisque le terme d’ « exploitant agricole » est banni de ces entretiens : la terre n’a pas à être « exploitée » : elle doit être entendue, nourrie, respectée... et en retour elle « nous suggérera » (produira) ces fruits qui nous font vivre...
De fait, le terme sug-gérer, chez les latins, signifiait d’abord « fournir en venant d’en bas », comme on offre les fruits de la terre… Il y a là un petit clin d’œil à l’innovation participative qui procède en partie des initiatives heureuses venant elles aussi « d’en-bas », et c’est la raison pour laquelle l’innovation participative « se nourrit de sug-gestions »: ce n’est pas un hasard si c’est la même racine qui se rapporte à « ce qui vient d’en bas »!
Au cours des trois journées, les principaux thèmes abordés ont été les suivants:
1. Après le déclenchement de la crise financière… et si on reconsidérait les « richesses » ?
Conférence sous le chapiteau aux Entretiens de Millançay 2009 |
La richesse ne s’exprime pas seulement en euros ou en dollars qui, un jour, vont peut-être « s’effondrer » à force de crises à répétition; on peut être « riche » de bien des choses qui ne se monnayent pas (amitiés, santé, confiance, sécurité, sérénité, temps libre, etc... ). Des approches de monnaies libres se multiplient un peu partout dans le monde (Robin, Sol, Sel) pour organiser de nouveaux échanges sur la base de relations sociales et solidaires...
Et si l’on se passait purement et simplement à terme de ces monnaies financières, pour ne procéder qu’à des échanges fondés sur la confiance collective, où la logique ne serait pas celle de la concentration progressive et inéluctable de l’argent dans un nombre de plus en plus réduit de « riches possédants »?
De fait, les producteurs bio, qui ont beaucoup de mal à gagner leur vie normalement, malgré la qualité de leur production (ils ne peuvent pas bénéficier en France des subventions de la PAC, contrairement à ce qui se passe en Allemagne), sont amenés à contourner les circuits traditionnels de distribution, et à inventer des modes d’échange directs avec les consomm’acteurs bio, dans le cadre des « AMAP » notamment.
Ces monnaies alternatives se développent beaucoup actuellement, au point qu’un des intervenants s’est engagé à sortir dès l’an prochain du système monétaire classique... à suivre...
Mais cela donne à réfléchir sur l’ampleur des enjeux de réinvention liée au « développement durable »!
2. Terres d’avenir : vers de nouveaux modes de distribution et de travail de la terre
Les agriculteurs biologiques se heurtent actuellement à de grandes difficultés pour se développer : toutes les terres sont « prises » par les agriculteurs industriels, les terres qui se libèrent parfois sont chères à acquérir (concurrence des terres constructibles, pression des agriculteurs conventionnels pour élargir encore davantage leurs territoire (150 ha en moyenne pour un céréalier, alors que quelques hectares suffisent pour un agriculteur bio... et que la France manque cruellement de produits bio, compte tenu de la croissance rapide de la demande…), etc.
Les résistances au changement sont multiples : législation, réglementations diverses... Quand bien même les lois et règlements seraient favorables, les personnes en charge de les mettre en œuvre sont restés dans les logiques du passé, les esprits sont lents à se débloquer. Sans compter la pression de ceux pour qui le statu quo leur va bien, et qui font tout pour que rien ne change.
Face à ces difficultés, des initiatives sont prises : une banque éthique (la Nef) soutient une association « terre de liens », pour se réapproprier un foncier dédié aux agriculteurs biologiques. Ailleurs, dans certaines villes, les municipalités offrent des terres libres pour le développement de jardins cultivés par les habitants : voir par exemple les « jardins partagés de la Ville de Paris. Ailleurs, d’autres villes parviennent à suffisamment développer l’agriculture biologique autour d’elles pour assurer l’autonomie de la ville: C’est le cas de Munich en Bavière (Allemagne). Aucune ville en France n’en est à ce stade, la plus avancée étant peut-être la ville de Rennes qui a mobilisé tous les agriculteurs de la région rennaise à limiter drastiquement les pesticides et les engrais.
Mais ces expériences pionnières ne sont pas quantitativement à la hauteur des enjeux, et il faut que ce mouvement se multiplie par 10, par 100 dans les prochaines années.
3. Les leçons de la nature
Les hôtesses d'accueil |
Gauthier Chapelle, cofondateur de Biomimicry Europa à Bruxelles, a rendu compte d’une dimension très présente de la nature, celle de la coopération entre les espèces (il n’y a pas QUE la loi de la jungle!). De la même manière, nous devons apprendre à coopérer bien davantage avec la nature, plutôt que de se comporter en véritables prédateurs.
La nature, au cours de ses 4 milliards d’années de développement a trouvé mille et une solutions à des problèmes auxquels nous avons du mal à trouver des réponses.
Ce que nous savons faire avec la nature aujourd’hui :
- améliorer le rendement des panneaux solaires en nous inspirant des techniques de réduction de la réflexion des ondes solaires en s’inspirant de la surface des yeux de certaines mouches
- purifier des sols pollués grâce à des champignons
- développer des matériaux de construction à partir du bambou (ex: cathédrale au Mexique). Les chinois fabriquent du béton armé de structures en bambou
- développer des mangroves artificielles, qui protègerons les côtes des phénomènes de Tsunami
Ce que nous devrions pouvoir faire à terme :
- faire séquestrer du CO2 par des bactéries
- fabriquer du verre « biologique »: des organismes vivants ont synthétisé du verre dans les grandes profondeurs océanes!
- transformer des plantes (type céréales) à racines annuelles en plantes vivaces, que l’on peut récolter régulièrement sans avoir à semer chaque année,...
Ce ne sont là que quelques éléments présentés rapidement. N’hésitons donc pas à nous inspirer des leçons que la nature nous donne!... D’autant plus que les solutions « naturelles » se font à température et à pression ordinaire: nul besoin de chauffer à blanc ou de fortes pressions. Mais il y a un problème, c’est le facteur temps: la nature est lente et patiente, ce qui n’est pas nécessairement notre cas, surtout s’il y a urgence (exemple, la capture du CO2...).
Peut-être nous revient-il, en innovation, e trouver les moyens d’accélérer les processus naturels.
Gauthier Chapelle, en présentant sa démarche scientifique auprès de grandes entreprises industrielles a reçu un accueil très ouvert, et a été surpris de constater l’ampleur des cloisonnements chez les spécialistes: des techniciens travaillant sur des piles à combustible ignoraient que le métal qui est à la base de leur technologie faisait partie métaux rares en voie de disparition: les réserves connues ne dépassent pas dix à douze ans...
Les voies du « biomimétisme » se développent auhourd’hui, un bureau de biomimicry Europa est en cours de mise en place à Paris. Ceci est sans doute à suivre. D’ores et déjà, Solvay se concentre sur la « chimie verte »: comment remplacer les polluants chimiques par des molécules vivantes? Vaste programme!
4. Points marquants de l’intervention de Corinne Lepage
- Compte tenu de la pression démographique (1 millard supplémentaire de bouches à nourrir tous les 10 ou 15 ans (c’est le rythme actuel), si l’on ne veut pas accentuer la pression sur les sols agricoles et sur l’environnement, il faut rapidement promouvoir les agro carburants de deuxième génération et développer une « chimie verte ».
- Il faut en finir avec les monocultures intensives qui conduisent à un désastre environnemental et social: c’est ce mode agricole qui emplit les bidonvilles et développe les grandes concentrations urbaines ingérables. D’où la pertinence du « retour à la terre » de paysans pouvant à la fois se nourrir et nourrir les habitants de la planète.
- Dans les Pays du Sud, travailler à transférer les bonnes « éco-technologies » (agriculture écologique), et non pas les O.G.M., tout faire pour enrayer les famines, travailler à une meilleure utilisation des sols et de l’eau.
- Dans les Pays du Nord, engager un retour vers des petites et moyennes exploitations, avec des techniques de maraîchages par exemple, le développement du tourisme rural, la transformation des produits, le développement de la biodiversité agricole et la décentralisation énergétique.
- Conclusion: « nous sommes les invités de cette Planète. À nous de la rendre plus belle en partant! »
5. « Le défi politique »
Nos élus bougent aussi |
Intervention des responsables politiques locaux: « réinventer d’urgence, localement, une économie rurale, en accord avec le Grenelle de l’environnement ». Avec deux députés du Loir et Cher, et des membres de conseils généraux de la région.
Les responsables locaux sont conscients des enjeux climatiques (un jour viendra où la Loire sera un fleuve « sec » (un « oued »...!). Les campagnes ne se dépeuplent pas, mais les gens vivent tournés vers les villes et non vers la terre (résidences secondaires, télétravail, désertification des services loin des centres urbains, etc).
Beaucoup de choses changent pour tenir compte de ces contraintes, mais les évolutions sont trop lentes vis-à-vis des urgences.
Exemples :
- Le Grenelle de l’environnement nous invite à mieux utiliser l’eau. %ais dans les collèges, il est pourtant interdit par les services de la préfecture, de collecter les eaux de pluie.
- On veut monter une filière Bois/Energie, mais que d’obstacles, que de freins!
- Il y a les lois, les règles, les décrets qu’il faut faire évoluer de façon cohérente (en supprimant les textes de lois et règlements obsolètes), mais il y a surtout à changer les mentalités de ceux qui les appliquent.
Conclusion d’un élu : "j’ai le pessimisme de la raison, et l’optimisme de la volonté".
6. Retour à la terre : « nous redeviendrons paysans »
Présentation d’une innovation remarquable à Madagascar, où une nouvelle technique de culture de riz aboutit à diviser par cinq les semences nécessaires, ainsi que les besoins en eau, et à multiplier par 5 les rendements à l’hectare. Un DVD illustre cette innovation... qui remonte à 1983, mais qui se heurte, pour se développer, à un incroyable blocage des habitudes, des esprits, de la bureaucratie. 25 ans après l’innovation, 5% des paysans malgaches ont adopté cette technique de culture. Le plus grand frein : « que va penser mon voisin si je ne fais pas comme tout le monde? »
« Les hommes construisent trop de murs, et pas assez de ponts ! »
Pourtant cette nouvelle technique agricole se développe partout dans le monde, avec 40 pays engagés à ce jour. Le secret de cette innovation : espacer les plants, travailler la terre avec précaution (pas de tracteur!). C’est aujourd’hui un Américain, qui a compris la force de cette innovation, qui travaille à la répandre partout dans le monde. Aucune aide de la FAO, du Cirade, ou des organismes qui devraient être en charge de la promouvoir. On en revient, comme toujours, à la force de l’initiative citoyenne!
Pierre le bien-aimé |
Autre initiative intéressante, le développement de l’agro-écologie développée par Pierre Rabhi et diffusée maintenant, essentiellement en Afrique, depuis près de trente ans, avec des applications notamment au Sahel, avec « Sahel People Service » qui travaille dans cet esprit de façon très efficace, notamment au Sénégal.
Pour Pierre Rabhi, nous sommes en train d’assister, ni plus ni moins, au génocide des générations futures: à nous de savoir si nous voulons rester indifférents si nous laisserons faire, ou si nous allons réagir!
Les sols s’épuisent, les eaux sont de plus en plus polluées, les semences disparaissent... Face à une concentration urbaine qui accapare sans cesse de nouvelles terres cultivables, il y a de moins en moins de paysans et de terres cultivables. A tous ces problèmes qui sont de notre fait, s’ajoute le facteur climatique, avec ses sécheresses, et d’autres terres cultivables qui se détruisent.
Face à ce constat, il y a autant un problème de quantité (à produire) que d’équité (comment répartissons-nous cette production?) sachant que si, sur la planète, tout le monde vivait sur le mode de vie américain, il faudrait 6 planètes pour nous nourrir!
Il faut donc inventer un mode de vie alternatif à celui qui sert de référence encore aujourd’hui. Ce mode nouveau de vie, c’est celui de la « sobriété heureuse » (on n’est pas loin du « Juste nécessaire » que l’on enseigne dans nos organisations…)
Nous avons largement de quoi vivre et alimenter tous les habitants à venir de cette planète, à condition que l’on adopte un autre mode de vie.
- Les urgences :
- la redistribution des terres (réformes agraires)
- la promotion de la « sobriété heureuse »
- déclarer que les bien communs vitaux doivent échapper aux spéculations financières
- fédérer et faire connaître toutes les initiatives heureuses
- enfin reconnaître que la vie est sacrée, et que cela doit nous inspirer une nouvelle dynamique
7. Un monde nouveau en émergence
Les approvisionnements du Retour à la Terre |
Les Entretiens de Millançay se sont conclus par des présentations d’actions remarquables, donnant des pistes sur ce qu’il est possible de faire dès maintenant. Les débats ont aussi indiqué les difficultés auxquelles ont pouvait se heurter pour le développement de ces actions.
Parmi les actions remarquables :
- Les jardins de Cocagne de Jean-Guy Henckel. On compte aujourd’hui une centaine de jardins dans toute la France. J-G Henckel est un pionnier de l'« économie sociale et solidaire »: s’il développe des « Jardins de Cocagne », c’est pour redonner du sens à la vie de gens « laissés pour compte par le « système » actuel (chômeurs, vies brisées à reconstruire, ..) Il s’agit essentiellement de réinsertion par le travail de la terre, en proposant aux personnes un travail en jardin de maraîchage. Celles-ci sont formées et doivent en deux ans environ retrouver un emploi dans la société. Elles sont aidées par des travailleurs sociaux qui les accompagnent pendant ces deux années. Ces jardins sont travaillés aujourd’hui par une pépinière de pionniers d’une nouvelle agriculture.
- Autres initiatives : le développement des AMAP auprès des villes (des consommateurs s’engagent à accompagner un agriculteur bio pendant toute une année (renouvelable, bien sûr). En contrepartie, celui-ci leur fournit chaque semaine un panier de légumes bio de saison. La formule se développe et s’enrichit rapidement avec fourniture d’oeufs, de miel, de volailles, et autres produits de la « ferme », etc.
Mais finalement, ces agriculteurs ont beaucoup de mal à vivre normalement (gagnant moins du smic pour beaucoup d’heures de travail). A noter que ces agriculteurs ne perçoivent aucune subvention (contrairement à leurs collègues allemands), alors que la PAC en verse aux agriculteurs conventionnels. - Les magasins Biocoop et autres associations de consommateurs jouent leur rôle pour aider au développement de ces zones d’agriculture bio de proximité.
- Compte tenu de la nouvelle dimension (réduite) des exploitations, le tracteur devient une solution marginale d’appoint; on lui préfèrera assez souvent le simple retour à la traction animale, qui respecte mieux les sols, et nous renvoie à un rapport de coopération avec les animaux de trait (ânes ou chevaux). Ce n’est pas parce que c’était LA solution de nos grands parents que ce ne serait pas une excellente solution à nouveau aujourd’hui dans les petites exploitations maraîchères, avec le complément que cela apporte en engrais naturel de haute qualité pour nourrir le terrain. De fait, des formations à la traction animale sont désormais très suivies parmi ces paysans de l’agriculture « bio ».
Mais ces nouvelles initiatives ne se font pas au rythme qu’il faudrait pour atteindre 20% de terres bio d’ici 2020. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 2%, et, face à la demande pressante des urbains, la France doit importer actuellement l’essentiel de son agriculture bio (6% en Allemagne et 10% en Autriche et en Suède: la France est, là encore, bien en retard sur ce plan!)
On revient sur le problème du foncier français: actuellement, quand une terre se libère, on a tendance à donner la priorité aux agriculteurs conventionnels, et donc la situation n’avance pas.
Pour info, on cherche actuellement des terrains de 200 ha autour de Paris pour créer de grandes coopératives capables de nourrir 5000 familles.
8. Autre initiative remarquable : la « Maison autonome » de Patrick Baronnet
Concert et détente aux Entretiens de Millançay |
Patrick Baronnet est un enseignant, responsable de l’éco centre et des festivals du pays nantais. En travaillant à la fois sur la réduction de ses besoins en énergie au « juste nécessaire » et sur les techniques combinées du solaire et de l’énergie éolienne, il est parvenu à rendre sa maison véritablement autonome en énergie. Pour le mode d’emploi se référer à son ouvrage qui décrit son installation qui fonctionne depuis plusieurs années. (La maison autonome, édité par l’auteur: www.heol.org ). L’auteur se demande pourquoi ces solutions si simples ne sont pas davantage diffusées en France, et ce qui freine les gens à prendre par eux-mêmes de telles initiatives.
9. Conclusion
La conclusion de ces trois jours, c’est le sentiment que beaucoup de choses bougent, dans tous les domaines, qu’il y a quelque part des solutions aux nombreux problèmes que pose le développement d’un nouveau type d’agriculture qui capitalise sur l’expérience des anciens et tire parti des techniques les plus modernes (les jardins de Cocagne sont gérés et « assistés par ordinateur » qui intègrent les savoir-faires au fur et à mesure de leurs développements).
Toutes ces connaissances, toutes ces expériences doivent être mieux connues et largement diffusées pour bien faire comprendre que des alternatives sont possibles à la grande agriculture industrielle, et que cette nouvelle agriculture est parfaitement capable de répondre aux besoins alimentaires de la planète, tout en proposant une réelle dignité aux paysans, partout dans le monde, à ceux qui cultivent la terre en la respectant.
Une grande agriculture « bio » pourrait mettre au travail en France 2 millions de personnes en économie solidaire, c’est une véritable alternative sociétale. Un intervenant, qui travaille avec les S.D.F., rêve de les « reconvertir à la terre » pour cela, il faut changer le sens de ce sigle dérisoire, et lui faire signifier « Se Donner la Force » d’entreprendre pour se nourrir, en équipe, et avec l’aide de « conseillers encadrants », sur des terrains en bordure de villes, ou dans de nouveaux « jardins partagés » au cœur des villes. Belle utopie... et tout à fait réaliste!
On retrouve dans cette approche de « réinvention de l’agriculture », des éléments communs à la réinvention des organisations industrielles et de services:
Les bougies dansantes du Mandala |
- l’ampleur des transformations, qui affectent à la fois les produits et les méthodes de travail
- de redoutables résistances au changement: poids des habitudes, mais aussi, blocage des experts, et poids des systèmes établis qui ne veulent pas d’une approche concurrente à la leur, et qui feront tout pour la bloquer (blocage des terres, verrouillage des enseignements qui dénigrent ces nouvelles approches alternatives: il faut aller se former ailleurs que dans les écoles, verrouillages institutionnels
- la dynamique citoyenne, qui permet de contourner ces verrouillages, et la nécessaire ouverture sur ce qui se passe dans des pays plus conscients et plus ouverts aux changements: dans la grande agriculture, l’excellence française de ces trente dernières années empêche toute remise en cause, quand bien même il serait avéré que cette forme d’excellence n’est pas « tenable dans la durée » (affaiblissement des sols, tendance inéluctable à une concentration des terres toujours plus grande, dégradation des conditions paysannes: les dernières manifestations des producteurs de lait sont là pour rappeler l’ampleur des problèmes qui affectent aujourd’hui le monde agricole). Des alternatives existent à cette fatalité de la dégradation de la condition paysanne, mais il faudrait remettre « tout à plat »... vaste programme!
- En attendant que les politiques et responsables prennent les décisions nécessaires, (au niveau de l’Europe, des Etats, des Régions et au niveau des « communautés locales »), il y a place pour l’initiative citoyenne!
Article écrit par Antoine Heron
et mis en forme par la rédaction Intelligenceverte.orgTémoignage de Michele Decoust
Décidément, un chapiteau de cirque, c'est bien plus joyeux qu'une salle de conférence rectangulaire avec experts perchés sur l'estrade et dominant leurs ouailles...
Et puis, on s'y engouffre en écartant la toile de tente, dans l'attente enfantine qu'un évènement magique, mystérieux, décoiffant ou désopilant va se passer.
Eh bien, cette année, sous le chapiteau des Entretiens de Millançay (du 2 au 4 octobre 2009), nous avons vécu toute cette palette d'émotions!
De plus, invitée par Philippe Desbrosses pour présenter mon dernier film "Auroville, une Terre pour demain, j'ai partagé ces émotions avec autant d'intensité côté arène que côté gradins.Je voudrais d'abord vous faire partager l'esprit de deux matinées:
- - Celle des pionniers Gauthier Chapelle et Jean-François Noubel, qui ont fait souffler sur notre assemblée un vent neuf et juvénile, en nous faisant voyager à travers la biomimétique et les monnaies libres. Ils nous ont proposé de nouvelles pistes pour élaborer des architectures, réseaux, coopérations, synergies inspirées du fonctionnement de la nature, aidées de technologies mises au service du Vivant et de nouvelles fraternités humaines (le Net, par exemple, se substituant à la communication télépathique des Peuples Premiers)
- - Celle des petits agriculteurs bios et des néo-ruraux, nous exposant concrètement leur quotidien parfois répétitif et épuisant, mais aussi plein de sens lorsqu'à travers les AMAP, ils sont conscients d'offrir de véritables "paniers de santé" à des familles entières, de plus en plus nombreuses....Simple réflexion qui m'est venue à l'esprit, en clöture de cette matinée: "jardiner son potager", "faire pousser son blé", "produire son propre pain", "cultiver ses rosiers", tout cela fait rêver les citadins épuisés que nous sommes. Mais avons nous vraiment mesuré le travail physique, constant, qu'implique le travail de la terre???
...Enfin, sortis du Chapiteau, nous attendaient dehors deux mandalas: Celui réalisé par des enfants avec des fruits et des courges, orange et vermillon, si joyeux; et celui des plus grands, inspiré des mandalas tibétains, qui mariait plumes, sables, coquillages, fleurs ou pierres colorées en de superbes graphismes aborigènes et maoris, peintures et totems amérindiens, tissant pour finir une fresque inspirée et sacrée.
Ultime soirée. Nous nous sommes tous retrouvés autour du grand mandala éclairé par une farandole de bougies, telle une frise humaine recueillie et heureuse, tous émus d'avoir partagé la créativité, la générosité et la chaleur de ces dix-huitièmes Entretiens de Millançay.
A cette fête de l'esprit on ne peut pas manquer de citer celle des "papilles" qui comme chaque année ont été choyées par les repas bio végétariens du Chef Jean Montagard assisté de ses élèves du Lycée Hôtelier de Nice et les menus de Pascale Fromonot et son équipe de "cuisiner autrement" qui nous ont comblés chacun dans leur registre et dont on peut affirmer qu'il constituent une attraction aussi importante pour le public et pour l'ambiance chaleureuse et conviviale qu'ils génèrent.