Philippe Desbrosses au Sommet de Rio en juin 2012

Résumé de Rio 2012

par Philippe Desbrosses de retour du Brésil

Les prochaines conférences de Philippe Desbrosses
Philippe Desbrosses, Jean-Paul Jaud, Severn, Yann Arthus-Bertrand

Quelque soit l’angle par lequel on aborde le problème de l’intégration de l’homme moderne dans son environnement et de ses relations avec l’écosystème, on aboutit invariablement à la notion de contraintes et de conflits plus ou moins violents.

Il semble que la vision de la place de l’espèce humaine dans le monde soit fondée sur une volonté de domination qui est la source de toutes les pathologies sociales, aujourd’hui exacerbées par l’obsession de profit et d’accaparement dans tous les domaines de la vie publique. La dérive « affairiste » a totalement transformé notre relation au monde et assujetti nos comportements aux exigences des spéculateurs boursiers et à leurs appétits insatiables. Leur référence étant le seul indicateur monétaire mesuré par logique binaire de « pertes » ou de « gains ».

On comprend bien que dans ce contexte on ne peut récolter que la guerre… pour l’instant économique, mais elle fait rage sur toute la planète. Si l’on suit cette pente périlleuse il n’y a plus de société civilisée possible sur cette planète mais seulement la jungle et la débâcle d’un monde en régression vers la sauvagerie. Ce sont bien les signes avant-coureurs de cette situation que nous ont entr’ouvert à mots feutrés les états et leurs représentants à ce Rio+20 qui, de ce point de vue, a bien mérité le titre de « Munich de l’Environnement », c’est-à-dire un sommet officiel de l’inutile et de la lâcheté…

Car enfin, ce qui saute aux yeux des observateurs indépendants, c’est la formidable emprise des groupes industriels et militaires sur la sphère politique.

A cet égard ce qui ressort de ce constat c’est le sentiment désagréable de trahison de la part des élites politiques à l’égard de la société civile qui les a élus. De plus en plus serviles à l’égard des intérêts privés qui dictent sans pudeur leurs choix à ceux qui nous représentent…

Les prochaines conférences de Philippe Desbrosses
Jean-Paul Jaud, Severn, Philippe Desbrosses

Comment peut-on expliquer autrement la main-mise de ces puissances prédatrices sur les ressources vitales de la planète dès lors que l’on connaît les conséquences désastreuses et irréversibles de leur exploitation sur les populations et sur l’environnement ?

Il faut avoir beaucoup d’ignorance ou d’irresponsabilité pour accepter les exactions des entreprises sans scrupules qui s’emparent de nos ressources et dégradent notre environnement.

On comprend que cette complicité de la « sphère politique » avec la « sphère affairiste » ait éclaté aux yeux du plus grand nombre, lors de cet ultime sommet, vraisemblablement le dernier du genre, tant était palpable le divorce entre la société civile et ses « élites » au pouvoir. (l’affaire Kokopelli en est une illustration flagrante)

La leçon que nous en retenons après d’autres avatars comme Copenhague, Durban… c’est que, lorsqu’une grande idée comme la gestion solidaire de notre patrimoine commun et de nos ressources planétaires est rejointe par un élan populaire aussi unanime, et semble leur échapper, les profiteurs, exploiteurs, et les institutions dévoyées préfèrent le saborder plutôt que de laisser la société civile s’en emparer, comme il serait légitime de le faire.

Mais Rio+20 ne se résume pas à ce fiasco honteux.

Ce fut l’occasion de grandes manifestations d’intelligence collective, de générosité et de fraternité, notamment au forum des Peuples où se côtoyais des foules bariolées venues de tous les coins du monde, animées d’une même impulsion créative, d’un même élan salvateur de partage et de coopération.

Toute cette jeunesse présente, active, dynamique, responsable, donnait un spectacle réconfortant de l’avenir et de l’évolution en cours. On était là dans le domaine de l’innovation sociale, des réseaux de solidarité, des plates-formes collaboratives, des comités de salut public, pour retrouver l’autonomie et l’indépendance avec les notions vertueuses de protection des plus fragiles, d’entraide mutuelle, de communauté de survie basées sur la sobriété, la simplicité volontaire, le don et le lien social…

En fait le véritable sommet s’est déroulé à l’écart de la grand’messe officielle, laquelle a coûté une fortune aux contribuables pour les milliers de personnes déplacées du monde entier et qui ont dégradé inutilement l’environnement, par le volume de gaz à effet de serre largué à l’occasion des voyages aériens (20.000 personnes).

Le clou de ces manifestations parallèles fut certainement le forum de 3 jours « La Terre est inquiète …Quelle voie pour un nouveau contrat social au XXIème siècle » proposé par l’Institut International de Recherche Politique de Civilisation (IIRPC) d’Edgar Morin. Ce forum de 3 jours organisé avec des universitaires et des personnalités politiques éminentes du Brésil, de l’Equateur et du Chili et d’Europe, a constitué un point d’orgue dont l’aspect le plus saillant a été la proposition de création d’un tribunal pénal (ou moral) International pour condamner les crimes contre l’environnement qui sont bien souvent assimilables aux crimes contre l’humanité.
Contact : organisation@iirpc.org

Plusieurs juristes internationaux de renom ont posé les bases du débat largement commenté par la presse latino-américaine. La question de fond est la suivante, puisque la société civile n’est plus défendue dans ses droits les plus légitimes : l’accès à l’eau potable, à la nourriture, à l’espace et aux ressources… il ne lui reste plus qu’à s’organiser en parallèle des institutions défaillantes ou corrompues pour sauvegarder son environnement et ses moyens d’existence. Cette idée a été accueillie avec une belle unanimité par tous les participants et les observateurs présents au forum.

Parmi les autres sujets et moments forts de cette rencontre, il faut citer :

- une table ronde sur les performances des petits paysans et les agricultures vivrières, vingt à trente fois plus productifs que l’agriculture industrielle intensive. Plusieurs témoignages et films documentaires ont impressionné l’assistance, notamment le méthode S.R.I à Madagascar et au Cambodge qui permet de multiplier par 5 voire 7 les récoltes de riz, sans engrais, ni pesticides, ni semences améliorées, et ceci avec 2 fois moins d’eau, ce qui permet en plus de diminuer de 80% les émissions de méthane reprochées aux rizières traditionnelles.
- Une véritable découverte est due au Père de Laulanié et au travail du Frère Hubert, jésuites agronomes qui encadrent les communautés Malgaches depuis 40 ans dans la plus parfaite indifférence des institutions internationales… dont c’est pourtant la vocation de révéler et de diffuser de telles pratiques bénéfiques à l’ensemble des populations..

Philippe Desbrosses.