Lettre ouverte d’une auditrice sur les émissions de radio parlant du bio

Voici un exemple de participation citoyenne afin de ne pas laisser les experts et dirigeants d’entreprises décider à notre place.

De:
Isabelle Champion-Poirette                                   Mur-de-Sologne, le 16 février 2011

A l'attention d' Isabelle GIORDANO

Madame,

Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour votre émission « Service public » qui, chaque matin contribue largement à informer les auditeurs de France Inter sur des aberrations et des dangers dont souvent, ils ne sont pas réellement conscients.

Je vous écoute régulièrement et particulièrement lorsque vous parlez d'agriculture et d' alimentation, comme ce fut le cas ce matin autour de l'ouvrage : Le livre noir de l' Agriculture.

Hélas, je constate que les mêmes problèmes reviennent régulièrement comme par exemple :

  • Les légumes bio sont trop chers,
  • Le doute sur la possibilité de pouvoir se passer totalement de pesticides, et
  • L' agriculture biologique peut -elle suffire à nourrir le monde entier ?

Vos invités, faute de pouvoir être spécialistes en tout, peinent parfois à y apporter des réponses satisfaisantes, ce qui contribue a entretenir le doute et la peur de se lancer radicalement dans une autre voie.

Étudiant moi-même tous ces aspects depuis des années, je me permets de vous donner ci-dessous quelques réponses très claires, reposant sur les témoignages de chercheurs et enquêteurs reconnus.

Vous posiez ce matin la question suivante :

Le Bio est-il la seule solution ?

Que vouliez-vous dire par là ?

L ' Agriculture biologique n'est pas une technique supplémentaire, c'est juste le retour aux règles naturelles qui régissent la culture de la terre, aux fondamentaux de l'Agriculture, qui consiste à entretenir la fertilité des sols, au lieu de la détruire comme on le fait depuis plusieurs décennies, en introduisant des engrais dans le but de produire des quantités faramineuses avec un minimum de personnes.

L' Agriculture ne consiste pas à épuiser les sols, puis de traiter ensuite les plantes carencées qui poussent dessus après avoir constaté qu'elles sont malades...

Non ! L' Agriculture avec un grand A, consiste simplement à nourrir naturellement les sols, en pratiquant par exemple la rotation des cultures, qui permet de leur apporter une diversité de nutriments, ou par d'autres pratiques ancestrales qui ont fait leurs preuves.

Quand le sol est riche et sain, il est fort rare que les espèces végétales qui poussent dessus soient malades, surtout, si on prend bien soin de ne pas planter n'importe quoi n'importe où... Certaines graines sont faites pour pousser dans des terres particulières et sous des climats particuliers, d' où la nécessité de sauvegarder la multiplicité des graines et de les considérer comme un trésor de l' humanité !

Si par malheur, une espèce est un jour détruite par un fléau, ce n'est pas grave, puisqu'on on a alors derrière, plein d'autres espèces qui peuvent prendre la relève...

Vous voyez qu'on est là totalement à l'opposé de Monsanto qui voudrait substituer à la merveilleuse diversité de graines existant sur notre planète, quelques espèces trafiquées par eux, et dont ils auraient le monopole de la vente dans le monde entier... (cela n'est pas sans rappeler quelques scénarios de James Bond, aux prises avec de dangereux mégalomanes tenant entre leurs mains le destin de l' humanité...)

La Qualité de la Terre, ce qu'on en a fait, et ce qu'il convient de faire pour lui rendre sa fertilité, est magistralement traité par l'ingénieur agronome bien connu Claude BOURGUIGNON, dans le film de Colinne Serreau Solutions locales pour un désordre global, dans lequel elle lui consacre au milieu du film un petit reportage d'une dizaine de minutes, exclusivement sur ce sujet.

Le prix des légumes biologiques est trop élevé

On ne peux vraiment plus laisser dire cela !

En réalité, il l'est bien moins que celui des légumes provenant de l'Agriculture productiviste. En effet, cette agriculture « chimique » bénéficie de 80 % des subventions européennes ! alors que l'agriculture biologique n'a droit qu'aux 20% restants...

Les consommateurs paient donc en plus du prix affiché dans les magasins, la partie de l'impôt qui est redistribuée sous forme de subvention, sans compter ce qu'ils paient, toujours par leurs impôts pour réparer les dégâts faits à l'environnement par une telle agriculture (algues vertes, pollution des nappes phréatiques etc...)

Ce serait intéressant de voir ce qu'il adviendrait des prix, si on inversait les pourcentages des subventions distribuées...

J'espère que les auditeurs ont bien compris ce que Marc Dufumier a essayé de leur expliquer ce matin en disant que les consommateurs de légumes conventionnels en payaient quatre fois le prix...

 

Répercussion des produits chimiques : engrais et pesticides sur notre santé

Je n'ai pas bien compris la tiédeur des propos de Marc Dufumier ce matin... peut-être est-ce dû simplement au fait que ce n'est pas son sujet d'étude : Il étudie, quant à lui, la santé des sols et non celle des êtres humains... chacun son domaine, on ne peut pas être spécialiste en tout.

Cependant, dans le film de Jean-Paul Jaude : «  Nos enfants nous accuseront », nous avons vu et entendu des agriculteurs en larmes nous expliquer leurs maladies neurologiques et les leucémies qui touchent adultes et enfants, et il serait déraisonnable de remettre en cause autant de témoignages...

Nous pourrons également voir le 15 mars prochain sur Arte, le reportage de Marie-Monique ROBIN :   Notre poison quotidien

Pour terminer sur cet aspect santé, on ne peut plus faire l'impasse non plus sur les additifs alimentaires : colorants, exhausteurs de goût et conservateurs, dont Corinne GOUGET fait la liste dans son précieux petit guide « Additifs alimentaires », dans lequel elle détaille les effets constatés après étude de chacun d'entre eux, mettant en lumière des effets extrêmement graves qui handicapent de nos jours tant d'enfants : allergies, asthme, hyperactivité , cancers...

Notre souveraineté alimentaire

Ce sujet est régulièrement traité par Philippe Desbrosses, Docteur en sciences de l'environnement, pionnier de l'agriculture biologique et fondateur d'un Centre de Formation en agriculture biologique, agréé par l' Europe.

Voir aussi les causes qu'il défend, notamment l'arrêt de la marchandisation de biens communs à toute l'humanité, dénoncée plusieurs fois ce matin dans votre émission par Pierre PRIOLET.
http://fr.ekopedia.org/Philippe_Desbrosses

Philippe Desbrosses, lors de ses conférences s' attelle à informer le grand public sur les enjeux problématiques suivants :

  • La Souveraineté alimentaires,
  • La Sécurité sanitaire et environnementale,
  • Le réservoir d'emplois que constitue une pratique locale de l'agriculture et l'amélioration du lien social qui en résulte.

Lorsque qu'un pays décide de se mettre à l' agriculture biologique, la productivité est considérable, affirme-t-il.

Les petites exploitations sont 10 à 100 fois plus productives que les grosses :

Petite interview de 5 mn qui vous donnera des exemples concrets, notamment à Cuba :
Agriculture bio à Cuba

Oui, il est possible de vivre sur une petite exploitation Bio. Une famille d'agriculteurs peut vivre d'une exploitation d' 1hectare ½ comme il le raconte dans la brève interview de 4 mn, ci-dessous :
Grenelle et Agriculture Bio avec Philippe Desbrosses

Le constat du résultat de l'agriculture chimique est sans appel

Ce pays croule sous le nombre de chômeurs, ( dont un grand nombre grandissant de personnes dépressives), nous n'avons presque plus d'agriculteurs, donc plus de souveraineté alimentaire, alors que nous savons pertinemment que la pénurie en pétrole et hausse du prix du carburant, nous empêcheront tôt ou tard de faire venir les fruits et légumes qui constituent la base de notre alimentation et donc notre survie, de l' étranger (faute de pouvoir les transporter...).

Nos terres sont épuisées et nos nappes phréatiques empoisonnées...

Notre santé est détériorée pour des générations, à force d'avoir absorbé autant de produits toxiques, car notre terrain (au sens de la naturopathie, de la médecine chinoise et de la médecine indienne ayurvédique) se transmet à notre descendance.

Ce qui nous empêche d'avancer

Nous savons tous, que de gros intérêts financiers sont en jeu : ceux de l'industrie agroalimentaire et de la totalité de la filière : du fabriquant d' engrais au supermarché, mais le scandale de Médiator joue en faveur d'une grande prise de conscience.

Il prouve qu'il faut écouter attentivement les lanceurs d'alertes (en ce qui concerne l' Agriculture, ils sont des milliers...rien que dans notre pays), et il faut s'alarmer du fait que les instances censées surveiller toute dérive liée à des conflits d'intérêt ne soient plus indépendantes et donc plus fiables du tout !

Nous avons été beaucoup à espérer que le scandale du Médiator entrainerait le scandale des Toxiques Alimentaires, hélas les révolutions qui secouent le monde arabe ont détourné malencontreusement l'attention des médias vers d' autres pôles.

Espérons que le film de Marie-Monique Robin, diffusé sur Arte le 15 mars prochain, relancera le débat public sur ces sujets qui ne sont rien moins que vitaux, pour le monde entier.

En conclusion, il me semble que la bonne question n'est pas de trouver une alternative moins chère à l' Agriculture Biologique, mais consiste plutôt à se demander :

Que devons-nous modifier ? et à quels niveaux ?
...Afin que les produits sains de l'Agriculture Biologique soient accessibles financièrement à tous...

Enfin, il me semble que toutes les personnes capables de conclure par elles-mêmes, par la simple observation de ce qu'elles voient autour d'elles et en faisant appel a leur bon sens, sont maintenant convaincues des bienfaits de l'agriculture biologique,

Ceux qu'il reste à informer sont des gens qui n'ont pas pris le temps de se renseigner et qui sont ballottés entre information et désinformation, sans être capables de se situer entre les deux, aussi est-on obligé d'être de plus en plus précis et percutants dans les informations que nous diffusons, afin d'être à même de les interpeler dans la confiance aveugle qu'ils ont encore dans le « système » ou parfois dans le sentiment d'impuissance qu'ils expriment face a un système qu'ils se sentent impuissants à combattre.

Vous remerciant encore, et vous félicitant pour vos efforts quotidiens, je vous prie de recevoir, Madame, l'expression de mes meilleures pensées.

Chaleureusement,

Isabelle Champion-Poirette

Nous avons enlevé les coordonnées postales de l'auteur de la lettre. Si vous souhaitez la joindre, vous pouvez lui écrire à: isabellecps@yahoo.fr