La pollution de l'eau potable peut aggraver un cancer

Sommaire du communiqué de presse

 

  • Recommandation de consommation
  • Liste du comité scientifique
  • Résumé des connaissances actuelles

Recommandation de consommation

L’eau du robinet est en général de bonne qualité en France si l’on prend comme critères d’évaluation les normes réglementaires. Cependant, les personnes malades du cancer ou qui sont passées par la maladie doivent bénéficier d’une eau potable de qualité irréprochable au nom du principe de précaution. De nombreuses études établissent des liens entre cancer et polluants de l’eau.

En France, la qualité de l’eau varie selon les régions et selon les périodes de l’année, en raison de l’activité agricole. De fait, des personnes fragilisées peuvent être exposées sans le savoir à des taux de nitrates et de pesticides supérieurs aux normes.

De plus, les normes n’ont pas évolué avec les nouvelles connaissances sur des polluants à effet hormonal (certains pesticides, certaines hormones, le bisphénol A...).

Il convient donc de prendre des précautions. Nous conseillons aux personnes malades du cancer ou qui sont passées par la maladie de ne boire quotidiennement de l’eau du robinet que si elles sont sûres de sa qualité, et sinon de s’équiper d’un filtre de qualité ou de boire de l’eau en bouteille.

Ce sont des solutions de court terme qui demandent à être appliquées de façon précise : il faut respecter le mode d’emploi pour les filtres et recycler les bouteilles.

Par ailleurs, il est important que chacun agisse, à son niveau, pour améliorer la qualité des eaux des rivières et de nappes phréatiques de notre pays afin que l’eau du robinet soit un jour de très bonne qualité de façon constante et partout en France.

Comité Scientifique

Pr David Servan-Schreiber, Médecin, Docteur en Neurosciences Cognitives, Président de GUERIR.FR, Auteur de GUERIR et de ANTICANCER

Bernard Cressens, Directeur Scientifique du WWF-France

Pr Jean-Claude Lefeuvre, Professeur émérite au Muséum National d’Histoire Naturelle et Président de l’Institut Français de la Biodiversité, Rapporteur sur l’évaluation de la qualité des eaux brutes françaises destinées à l’alimentation en eau potable: 1981, 2000 et 2005

Pr Luc Montagnier, Médecin, Chercheur, Prix Nobel de Médecine

Pr Lucien Israël, Professeur émérite d’Oncologie Médicale, Membre de l’Institut

Pr Franco Berrino, Directeur du Département de Médecine Préventive et Prédictive de l’Institut National du Cancer, Milan, Italie

Pr Jean-Marie Pelt, Agrégé de Pharmacie, Professeur de Biologie, Président de l’Institut Européen d’Ecologie, Membre du comité scientifique de l’agence de l’Eau Rhin-Meuse

Pr Gilles-Eric Séralini, Président du Conseil Scientifique du CRIIGEN, Co-Directeur du Pôle Risques – MRSH, Université de Caen

Jean-Pierre Cravedi, Docteur en Biologie, Directeur de Recherche INRA au sein du laboratoire des xénobiotiques, Expert à l’Agence Européenne de Sécurité Sanitaire des Aliments.

Dr Annie Sasco, Médecin, Docteur en Epidémiologie, Directrice de l’Equipe d’Epidémiologie pour la Prévention du Cancer – INSERM, Université Victor Segalen Bordeaux 2 (à confirmer)

Pr Devra Lee Davis, Docteur en Epidémiologie, Directrice du Département de Cancérologie Environnementale, Université de Pittsburgh, Etats-Unis

Dr Thierry Dorval, Oncologue Médical, Institut Curie, Paris

Dr Jean-Loup Mouysset, Oncologue Médical, Diplôme Universitaire de Médecine de l’Environnement, Clinique Flambot-Provencal, Aix en Provence

Dr David Carpenter, Médecin, Docteur en Epidémiologie, Directeur de l’Institut pour la Santé et l’Environnement, Université de New York à Albany, Etats-Unis

Gauthier Chapelle, Ingénieur Agronome, Docteur en Biologie, ancien Officier Scientifique de l’International Polar Fondation

Philippe Desbrosses, Docteur en Sciences de l’Environnement, Expert consultant auprès du Ministère de l’Agriculture (France) et du Parlement Européen

Dr Philippe Presles, Médecin, Diplôme Universitaire d’Ethique de la Santé, Directeur de l’Institut Moncey de Prévention Santé, Auteur de « PREVENIR »

Pr Albert Jacquard, Docteur en Génétique, Docteur en Biologie, Ancien membre du Comité National d’Ethique (à confirmer)

Résumé des connaissances actuelles

1/ Impacts des eaux polluées sur la santé

Il existe plusieurs contaminants possibles des eaux de boisson quelle que soit leur origine.

Les pesticides (produits phytosanitaires) sont principalement utilisés dans le cadre de l’agriculture, mais aussi dans les usages domestiques ou pour l’entretien des espaces verts. Ce sont des insecticides, raticides, fongicides, et herbicides (désherbants). La norme est fixée à 0,1µg/L (microgramme par litre) pour chaque type de pesticide et la totalité de ces produits ne doit pas dépasser 0,5µg/L. Des publications scientifiques récentes ont mis en évidence des liens entre une exposition professionnelle ou domestique aux pesticides et le développement de certains cancers (prostate chez l’homme, lymphomes non hodgkiniens et leucémie chez l’enfant). De plus, la combinaison de plusieurs pesticides dans l’eau (« effet cocktail ») peut avoir des effets toxiques même lorsque chaque composé est individuellement au seuil toléré par les autorités. Enfin, plusieurs pesticides ont des actions hormonales démontrées (changement de sexe des têtards ou féminisation des poissons dans les rivières). Comme ils ne sont pas tous éliminés par les unités de traitement de l’eau, des dépassements sont constatés. Il est possible que l’eau contaminée agisse de façon délétère sur les personnes porteuses de cancers sensibles aux hormones (sein, ovaire, utérus, prostate, cerveau, par exemple).

Les apports en pesticides liés à l’eau représentent 10% des apports totaux par ingestion selon l’Organisation Mondiale de la Santé. La consommation quotidienne d’eau contaminée doit être prise en considération pour les personnes fragilisées et dont les conditions médicales peuvent être sensibles à un effet de seuil.

Les nitrates sont des résidus de la vie végétale naturellement présents dans le sol. Ils sont surtout concentrés et en forte proportion dans les lisiers (déjections animales) et la plupart des engrais agricoles. Lorsque ces derniers sont répandus en excès, ils peuvent contaminer les eaux de surface par ruissellement et les eaux souterraines par infiltration. La norme européenne est fixée à 50 mg/L (l’OMS recommande 25 mg/L) pour prévenir certaines pathologies des jeunes enfants, notamment de la méthémoglobinémie. Même si les résultats ne sont pas toujours consistants d’une étude à l’autre, la présence de nitrates en excès dans l’eau potable a été associée dans plusieurs études au développement de certains cancers (notamment la vessie, mais aussi dans certaines populations aux cancers de la prostate et de l’estomac). Dans les études où il est détecté, le risque associé n’est pas négligeable. Il est de la même magnitude que celui associé aux hormones substitutives de la ménopause en matière de cancer du sein.

Les substances médicamenteuses, qui ne sont pas mesurées de manière systématique par les autorités. Plusieurs médicaments sont aujourd’hui retrouvés dans les eaux des rivières et les nappes phréatiques, car les stations d’épuration ne sont pas suffisamment équipées pour les éliminer. Il s’agit en particulier de médicaments anticancéreux, d’antibiotiques, d’hormones féminisantes, d’antidépresseurs, antiépileptiques, et analgésiques. Certaines de ces substances se retrouvent dans l’eau potable car elles sont mal éliminées par les unités de traitement avant distribution de l’eau de boisson dans le réseau publique. Il n’y a pas d’étude à ce jour associant spécifiquement la présence de ces contaminants à des maladies humaines. Toutefois, plusieurs de ces contaminants ont un effet biologique avéré sur les poissons notamment au niveau hormonal (féminisation principalement mais aussi des effets cancérigènes et d’affaiblissement du système immunitaire). Bien que la concentration dans l’eau potable de chaque médicament pris individuellement soit extrêmement faible, les mélanges de substances multiples pourraient être néfastes pour des personnes fragiles comme le fœtus, les enfants en bas âge, mais aussi les personnes affectées de cancer.

Le chlore ne présente aucun risque sur le plan sanitaire mais ses dérivés, et notamment les trihalométhanes (THM) peuvent constituer un risque sur la santé humaine en favorisant les cancers de la vessie et en engendrant des troubles au moment de la grossesse, au-delà de 0,1 mg/L, seuil fixé par le Code de la Santé Publique. Une épuration de qualité des eaux usées avant le traitement de l’eau potable limite l’apparition de ces sous-produits car les THMs se forment uniquement lorsque le chlore est en contact avec les matières organiques présentes dans l’eau. Cette épuration est efficace dans la plupart des grandes villes en France, mais pas toujours dans les plus petites communes et il est important de vérifier la présence de THMs dans l’eau de boisson.

Le plomb est rarement présent à l’état naturel : il se trouve dans les canalisations anciennes, en plomb. La présence de plomb en excès dans l’eau potable est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires et de troubles du développement cérébral chez l’enfant. Le plomb n’a pas été associé au risque de cancer à ce jour.

Les risques microbiologiques sont actuellement bien maîtrisés, avec l’injection d’un désinfectant dans les réseaux de distribution d’eau potable, généralement le chlore, et des contrôles quotidiens pour l’eau du robinet et les eaux embouteillées. Lorsque l’eau potable ne respecte pas les normes bactériologiques (rare en France), le risque est infectieux (gastro-entérites par exemple).

2/ Etat des eaux de boisson en France

Eaux du robinet

Les eaux du robinet font l’objet de nombreux contrôles : 56 paramètres microbiologiques et physico-chimiques sont surveillés régulièrement. Toutefois, plusieurs pesticides et les résidus de médicaments ne font pas l’objet de contrôles systématiques.

Dans leur grande majorité, les grandes villes de France (Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Nantes, etc.) distribuent de l’eau « conforme » qui dépasse rarement les seuils de nitrates et pesticides réglementaires (dans certains cas, de l’eau « non-conforme » est distribuée sans qu’une restriction d’usage soit considérée nécessaire). Toutefois, il existe une variabilité importante dans la fréquence des contrôles et dans la qualité des eaux selon les régions, la saison et la taille de la ville. Par exemple, on peut lire dans le rapport de la DGS 2008 qu’une « analyse de pesticides tous les 5 ans pour les plus petites UDI (unités de distribution) est réalisée ». Le même rapport mentionne également que, dans le département de l’Eure-et-Loir, 28 % des stations de traitements distribuaient des eaux potables avec des teneurs en nitrates supérieures au seuil réglementaire de 50 mg/L en 2006, ce qui concernait 49 080 personnes. De la même façon, les dépassements de la limite autorisée pour les pesticides dans l’eau ont concerné, en 2007, 1 398 unités de distribution d’eau. Ainsi, pour 5,1 millions de personnes, soit 8,4 % de la population française, l’eau du robinet a été mesurée au moins une fois comme non-conforme au cours de l’année 2007.

C’est pourquoi seule une démarche auprès de sa mairie permet de connaître exactement la composition de l’eau distribuée ainsi que la fréquence des contrôles effectués (en sachant qu’une fréquence faible des contrôles, ou des contrôles qui ne correspondent pas aux saisons d’epandage, risquent de ne pas permettre de détecter localement des épisodes de non-conformité alors que statistiquement on sait que ces épisodes existent). Il faut aussi encourager les mairies à obtenir des mesures des substances potentiellement nocives de plus en plus présentes dans l’eau et qui ne font pas partie des contrôles réglementaires, et à publier ces résultats.

Filtres à eaux

Les filtres à eaux peuvent être utiles pour enlever des odeurs ou des goûts désagréables de l’eau potable. Différents systèmes agissent sur différents contaminants possibles. Il suffit de laisser l’eau du robinet dans une carafe pendant une heure pour éliminer le chlore et les dérivés chlorés (THMs) par évaporation.

Les carafes filtrantes et les filtres sur robinet, grâce au charbon actif en poudre, éliminent le chlore et dérivés chlorés et certains pesticides non solubles dans l’eau comme le lindane et l’atrazine. Certaines carafes éliminent en plus les nitrates si elles possèdent une résine échangeuse d’ions.

Il faut par contre faire attention aux risques de relargage des contaminants contenus dans la cartouche au-delà de la date d’expiration du filtre.

Quant aux filtres plus sophistiqués avec un mécanisme d’osmose inverse, qui s’installent sous l’évier ou sur le plan de travail, ils filtrent 97% des nitrates, 98% des pesticides, 99% du plomb ainsi que certains la plupart des résidus de médicaments. Ce sont les filtres les plus efficaces mais aussi les plus onéreux.

Eaux en bouteilles

Les eaux minérales naturelles et les eaux de source ont une origine souterraine, elles sont microbiologiquement saines et ne subissent pas de traitements. Les contrôles fréquents garantissent que les contaminants mesurés ne dépassent pas les seuils tolérés pour les eaux potables tout au long de l’année. Pour les plus grandes marques, les zones de captage sont protégées (par l’agriculture biologique notamment). Les eaux minérales bénéficient aussi de la filtration naturelle à travers les couches géologiques pendant plusieurs années avant l’extraction pour la consommation humaine.

Les eaux minérales peuvent contenir des nitrates d’origine naturelle dus à la biologie des plantes et du sol mais au-delà de 20mg/l, les nitrates seraient considérés comme un indicateur de pollution. De plus, pour les eaux destinées aux bébés, la réglementation leur impose une limite stricte de 10mg/l. Certaines eaux minérales sont très chargées en minéraux et sont impropres à une consommation quotidienne, particulièrement par des personnes ayant des troubles rénaux ou sujettes à la déshydratation.

Une eau minérale naturelle a une composition constante, tandis que ce critère n’est pas obligatoire pour les eaux de sources.

En ce qui concerne les matières plastiques des bouteilles d’emballage :

v - Le PET (polyéthylène téréphtalate) est le matériau utilisé pour la fabrication des bouteilles d’eau et également de jus de fruits ou sodas. Le PET peut être repéré par le chiffre 1 dans un triangle dans le fond de la bouteille. Le PET ne contient pas de bisphénol A (un perturbateur endocrinien notable) mais certains résidus du plastique ayant une activité de perturbateur endocrinien peuvent être libérés lors du chauffage de certaines bouteilles (exposition au soleil dans une voiture par exemple). Le PET est recyclable mais malheureusement en France certaines villes ne recyclent pas plus de 2% des emballages des eaux en bouteilles.

- Certains PVCs (polychlorure de vinyle), un plastique dur, très résistant, et le polycarbonate qui contiennent du bisphénol A ne sont pas utilisés dans les bouteilles d’emballage d’eau. Ils sont utilisés, par contre, dans les bonbonnes réutilisables.

Cancer et eau potable

A faire A ne pas faire

Vérifiez régulièrement les analyses de l’eau de votre réseau auprès de votre mairie. Elles ont une obligation d ‘information. Ne jetez pas vos médicaments n’importe où, et surtout pas dans les toilettes. Rapportez-les à votre pharmacien.

Si les normes ne sont pas respectées, ou pendant les périodes d’épandage privilégiez une eau de bonne qualité en bouteille ou filtrée Respectez les consignes d’élimination des produits chimiques que vous utilisez pour l’entretien de votre maison, vos travaux et le jardin (nettoyants ménagers, solvants, désherbants…). Utilisez toujours les doses minimum. Si votre eau est très chlorée, laissez aérer au moins une heure dans une carafe l’eau du robinet avant de la boire, pour éliminer le chlore et ses dérivés

Pour les professionnels (agriculteurs, industriels, hôpitaux et cliniques), faites le bilan des rejets de votre activité et vérifiez qu’ils ne polluent pas l’eau de votre région. Economisez l’eau : en consommer moins, c’est faciliter une production de bonne qualité Pour les collectivités locales,

- protégez les lieux de captage de votre région, notamment en privilégiant l’agriculture biologique,

- pratiquez des tests de qualité de l’eau de boisson supplémentaires en période d’épandage dans les zones agricoles,

- demandez des tests sur des substances récemment mises en cause pour leur lien avec le cancer : certains pesticides, le bisphénol A... et aussi pour la présence de résidus médicamenteux (comme l’ibuprofene)

Consommez si possible des aliments issus de l’agriculture biologique ou responsable : ils diminuent l’utilisation de produits chimiques

Modérez votre consommation de viande, car les déjections animales des élevages intensifs polluent les nappes et les rivières et l’élevage est un gros consommateur d’eau.

Utilisez les produits labellisés (eco label) pour l’entretien de votre maison, vos travaux et le jardin